Le mas du Barret

A Rossat, des arbres volent en éclats

Par Michel Jolland

Avec cette histoire d’arbres éclatés « façon puzzle » nous nous retrouvons, comme souvent dans ces colonnes, à Saint-Vérand au début des années 1960. Enfant du pays, Roger Burlet était alors artificier dans une prestigieuse maison de la région avignonaise. Au village, où il revenait régulièrement, tout le monde l’appréciait. On ne manquait jamais une occasion d’évoquer, avec une petite pointe de fierté, deux de ses réalisations pyrotechniques inscrites dans les mémoires : l’explosion intempestive des mortiers en plein tirage des « boîtes » de la vogue 1947 et les pétards assourdissants de la procession à Notre-Dame des Champs en 1954. Roger d’ailleurs n’était pas le dernier à raconter des anecdotes drôles et attendrissantes, le plus souvent fondées sur l’autodérision et empreintes d’une sorte de nostalgie joyeuse des années d’après-guerre. Il n’hésitait jamais à entamer une conversation amicale pour partager ses souvenirs. Peu avant sa mort, survenue en 2018, il rassembla sur une dizaine de pages dactylographiées quelques récits de parties de chasse ou de pêche, d’expéditions aux champignons et d’aventures diverses dans lesquelles, bien sûr, le maniement téméraire d’explosifs figurait en bonne place. Il me confia le tout en précisant « J’ai écrit ça pour moi. C’est très court et très simple. Je te le donne et tu verras ce que tu peux en faire. » Eh bien, cher Roger, je me fais aujourd’hui un plaisir d’en restituer une partie sous forme d’article sur le Mas.

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Fantin-Latour au pilori

Par Jacques Roux

J’ai précédemment (15 juillet 2023) rendu compte de l’interprétation fantaisiste d’un tableau de Fantin-Latour par une intellectuelle américaine invitée par les organisateurs de l’exposition « A fleur de peau » (2016/2017). Il se trouve que ces organisateurs se révèlent eux-mêmes, dans leurs propos et publications, d’une légèreté telle qu’on en est en droit de suspecter tant leur honnêteté que leur légitimité dans le champ de l’art. Nous en voulons pour preuve la façon désinvolte, méprisante pour le public autant qu’à l’égard du peintre, dont ils ont rendu compte de la nature et du nombre des photographies constituant les archives confiées par sa veuve, Victoria Dubourg, au Musée de Grenoble. Détail qui a son importance puisque la thématique de l’exposition reposait niaisement et vicieusement sur les photos de nu retrouvées dans ces archives et isolées de leur contexte. Comme si le peintre s’était complu à « collectionner » (je cite) des clichés de femmes nues. Comme si, dans les archives léguées par sa veuve, il n’y avait pas d’autres photographies, en plus grand nombre, représentant des œuvres d’art. La présence de ces reproductions d’œuvres d’art change en effet le statut du dossier « Photos de nu ». De « collection » marginale il redevient partie d’un ensemble : l’outillage iconographique du peintre. L’exposition « A fleur de peau » repose sur ce qu’en d’autres lieux on nommerait une « arnaque ». Elle prend ici, portés par des Conservatrices oublieuses des exigences de leur profession, les habits d’une pudeur offensée et qui, tout en se voilant la face, exposent en plein jour les vilaines photos des vilaines dames nues dont le peintre le plus austère de notre histoire se serait repu en secret. Suivez le guide.

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L’art de trahir une œuvre d’art – Prétention et naïveté, Bridget Alsdorf réinvente Fantin-Latour

Par Jacques Roux

Je rabâche, j’en suis conscient, pourtant je ne cesserai de le répéter : avant de penser quoi que ce soit et, a fortiori, dire quoi que ce soit, d’une œuvre d’art il faut prendre le temps de s’approcher au plus près de ce qu’elle offre à nos sens. Lire, contempler, écouter. C’est-à-dire faire le vide en soi pour ne laisser place qu’à cet objet qui nous vient du dehors et qui, même s’il porte un titre prestigieux, s’il fait ou a fait l’objet de mille commentaires, même si d’autres en rient ou nous chantent ses louanges, plonger en lui, curieux, attentif, aux aguets même : toute œuvre demande du temps pour s’ouvrir à nous. Il en est ainsi de nos rapports avec les hommes : comprendre l’autre, sa différence, demande du temps, de la patience.
Face à l’œuvre d’art les premières questions doivent être naïves : qu’est-ce que je perçois, concrètement parlant ? On peut ensuite, même si tout vient dans le même flux, se demander : qu’est-ce que je ressens ? Et tirer cela au clair, les sensations, les sentiments sont plus confus, plus complexes qu’on ne le croit. La question jamais urgente et non nécessaire (sauf pour qui intervient dans le champ médiatique. Mais alors il ne s’agit plus de penser, juste de se conformer au moule prédéfini par le contexte) ce sera : que faut-il en penser ?
Cet impératif : s’imprégner de l’œuvre d’abord, avant d’en arriver à songer émettre un jugement, est de sagesse et devrait s’imposer naturellement. Mais la nature humaine est ainsi faite que la bile, comme disaient les médecins de Molière, prend facilement le pas sur la raison. La bile de Mme Bridget Alsdorf, quand elle publia un essai sur « Coin de table » de Fantin-Latour (in le catalogue de l’exposition « Fantin-Latour A fleur de peau » – RMN 2016) devait être sérieusement agitée car ce malheureux tableau sur qui, avant même de le contempler, elle avait un « point de vue », elle n’aura de cesse dans les huit pages de son pensum d’en proposer une lecture conforme à ses présupposés. Une lecture forcément déconcertante et parfois franchement ridicule. Je vais m’employer à rendre à César, Henri Fantin-Latour en l’occurrence, ce qui lui est dû et restituer à Mme Bridget Alsdorf ce qui ne relève que d’elle.

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Journée Münzenberg en Dauphiné – Un témoin raconte

Par Michel Jolland

Dans le cadre du programme « Voyage dans le temps, histoire et mémoire », initié et soutenu financièrement par le Fonds citoyen franco-allemand, « l’Association Européenne Willi Münzenberg » (AEWM), en partenariat avec la commune de Montagne et le « Groupe Gammon, relais de mémoire en Vercors » a organisé, le 14 juin 2023 à la salle des fêtes de Montagne, une manifestation publique intitulée « Journée Willi Münzenberg en Dauphiné ». Le Mas du Barret a si souvent évoqué ce personnage historique qu’il ne résiste pas à la tentation de lui consacrer une nouvelle page. Plus qu’un compte rendu chronologique complet, c’est une note indicative qui est proposée ici.

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La longue marche des tableaux de Saint-Vérand – Vers une reconnaissance officielle et publique

Par Jacques Roux

Lorsque Michel Jolland et moi avons conçu le projet de créer une association « patrimoniale » à Saint-Vérand (38) le village de notre enfance, nous étions portés tous deux par le souci de corriger une anomalie, que nous considérions comme une injustice : l’indifférence qui entourait la présence dans le chœur de l’église de cinq copies de tableaux de maîtres, d’un format et d’une qualité inhabituels dans ce type de lieu, à savoir : une petite église de campagne. Le dernier curé de la paroisse avait relayé, dans une note apostée dans l’église, un « on-dit » récurrent et infondé d’un cadeau de l’Impératrice Eugénie. Un point d’ancrage pour l’historien qu’est Michel Jolland. Les tableaux copiés appartenaient tous à des peintres de légende, tous sauf un, non identifié, un point d’ancrage pour le contemplateur curieux que je suis. A quoi s’ajoutaient une autre anomalie, une autre injustice, la superbe sculpture qui dominait Saint-Vérand n’était connue que comme « la Vierge du père Jasserand », son commanditaire, mais le nom, l’existence, le travail du créateur de l’œuvre étaient ignorés de tous. Ne serait-ce que pour ces deux chantiers de recherche, il semblait utile de réunir un groupe de bénévoles soucieux comme nous d’enrichir le village en cherchant ensemble des réponses à ces embarrassantes questions. La formule associative offerte par la prodigieuse loi de 1901 nous parut la solution adéquate, permettant d’établir une passerelle avec les autorités compétentes de tous niveaux. C’était en 2008. En 2023, tant pour les tableaux que pour la statue, nous avons déblayé le terrain des questions : tout ce nous pouvions établir l’a été. Ont été soulevées et réglées également des questions d’ordre plus matériel comme la problématique urgente de préservation des tableaux. Mais… Mais l’indifférence est plus que jamais là. Les tableaux attendent derrière des portes closes, la sculpture de Duilio Donzelli pourrit lentement sur son socle, sans que le nom du sculpteur ait quitté sa zone d’ombre. Nous reviendrons sur Duilio Donzelli et Notre-Dame des Champs dans une autre publication, pour l’instant revenons à l’histoire en devenir, un devenir contrarié, de nos cinq tableaux.

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La tombe de Willi Münzenberg à Montagne : Madame Ingrid Carberg, auteure suédoise réputée, nous écrit

Par Michel Jolland

Madame Ingrid Carlberg, auteure et journaliste suédoise, membre de la prestigieuse Académie suédoise qui chaque année désigne le prix Nobel de littérature, nous fait l’honneur et l’amitié de réagir à l’un des articles du Mas. Elle publiera cet automne “Marionnettes”, un ouvrage en langue suédoise qui, entre autres, analyse le fonctionnement et le rôle des réseaux de Münzenberg en Suède. Ses recherches l’ont tout naturellement amenée à s’intéresser à Münzenberg lui-même, à l’énigme de sa mort, à sa tombe au cimetière de Montagne, autant de sujets que nous avons souvent évoqués dans ces pages. A la lecture de nos articles, un élément a particulièrement retenu son attention.

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Gaby Beaume – L’Ardèche vue avec le coeur

Par Jacques Roux

Le 27 novembre 2022 nous rendions hommage à Gaby Beaume, peintre et dessinateur ardéchois qui venait de décéder. Aujourd’hui, alors que ses deux fils viennent de prendre possession d’un héritage pictural méconnu, il n’est pas interdit de penser qu’ils vont s’attacher à lui donner une visibilité que la modestie de leur père n’a jamais cherchée. Il nous plaît d’encourager cette démarche en présentant, parmi les nombreux dessins de cet artiste discret, trois de ceux qui chantent, de leur tracé élégant, la beauté de sites que cet Ardéchois de souche honorait sans nul doute comme des biens de famille.

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Des Allemands à Montagne en juin 1940 ? Un témoignage qui réalimente les suppositions autour de la mort de Willi Münzenberg

Par Michel Jolland

« La grande histoire se nourrit de la petite », ainsi Maxime Nallé commente-t-il une contribution exceptionnelle de Magali Teyzier au dossier Münzenberg. Celle-ci nous rapporte un récit recueilli auprès de Marie-Thérèse, nièce d’Augusta Mandier qui fut le témoin auditif de la présence de plusieurs allemands à Montagne. Des Allemands qui pourraient être Münzenberg et… quelques comparses. On se souvient que le corps de Münzenberg fut retrouvé à Montagne en octobre 1940 et que certains témoignages indiquent que des « visiteurs étrangers » auraient négocié l’achat d’une voiture dans un café du village, le café Gobertier, en juin de la même année. Le récit de madame Mandier semble recouper ces deux informations. Entre juin et octobre un corps a le temps de se décomposer et Magali Teyzier observe avec pertinence que « les Allemands » seraient arrivés à Montagne « par le bon côté » si, effectivement, ils étaient passés au café Gobertier. Suite à l’échec de l’achat il pourrait y avoir eu désaccord. Ou, si l’on admet l’hypothèse, jusqu’ici conventionnelle, que Münzenberg a été « éliminé » sur commande, on peut admettre que ses comparses étaient ses assassins potentiels. La voiture aurait-elle dû servir à « livrer » Münzenberg quelque part et l’achat raté aurait-il précipité l’assassinat ? Autant de questions susceptibles d’enrichir la liste déjà longue, et sans doute loin d’être close, des supputations sur les tenants et les aboutissants des événements de juin 1940 à Montagne. Dans l’immédiat, mon collaborateur et ami Maxime Nallé, qui se passionne pour le dossier Münzenberg, a estimé le témoignage de madame Mandier d’autant plus intéressant qu’il livre à l’histoire un souvenir anodin, un détail, qui peut se révéler capital. Et il a souhaité expliquer pourquoi.

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Alfred Soulier, peintre. En toute simplicité.

Par Jacques Roux

Lorsqu’on laisse son passé venir à soi, comme la rivière qui coule à nos pieds, impassible, et nous incite à cet abandon, on est parfois surpris. Car, un peu comme les rêves, les souvenirs vont sans tabou, ni sens des hiérarchies. Nous en avons tous fait l’expérience : notre mémoire nous offre d’excellents instantanés de lieux, situations, personnes que nous pensons sans importance, tout en refusant obstinément de nous fournir la moindre précision sur tel ou tel épisode de notre existence, que nous estimons pourtant crucial. Dans l’Antiquité Grecque on en aurait appelé aux pouvoirs des dieux, ces affaires-là, on n’en doutait pas, étaient de leur ressort ; nous autres « modernes », comme disent les penseurs de magazines, aurions plutôt tendance à en appeler à la psychanalyse. Ce qui revient au même, religion pour religion, tout est affaire de croyance. Mais si l’on oublie le pourquoi et accepte de s’intéresser à ces lumières tremblantes issues des profondeurs, alors s’ouvrent à nous des horizons insoupçonnés. Car notre passé est bien plus riche que notre avenir ! Il a déjà, lui, son bagage tout fait, mal ficelé certes, plus capharnaüm que rapport administratif, mais avec plein de recoins, de zones d’ombres mystérieuses, de découvertes inattendues. Ainsi, figé dans ma mémoire, sans que je lui aie jamais rien demandé, se tient un petit monsieur terne et discret. Il s’appelle Alfred Soulier. Il parle avec mon oncle, Henri Caillat, garde-champêtre en exercice s’il vous plaît, assis près de sa fenêtre, un chiffon sur les genoux.
Sur le rebord de la croisée, il a posé une toile : il peint.

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Où en sont les recherches de l’église perdue de Quincivet ? (2)

Ce n’est pas parce qu’on ne voit rien qu’il n’y a rien

Par Michel Jolland

Dans les trois volumineux dossiers d’archives concernant majoritairement la paroisse de Quincivet (Fonds Montmajour, Archives départementales des Bouches-du-Rhône) on trouve huit « plans figuratifs des limites des paroisses de Murinais et Quincivet ». Deux d’entre eux mentionnent l’église de Quincivet, clairement positionnée au sud du ruisseau dit « la Marguina » sur le cadastre napoléonien et depuis peu renommé « le Quincivet ». Cependant, et même si, comme nous l’avons vu dans le précédent article, la mémoire collective situe volontiers l’emplacement de l’église perdue de Quincivet près du château, les recherches se sont à plusieurs reprises transportées au nord du ruisseau.

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