LA CULTURE DU PAUVRE (Volet 2) – Qu’est-ce que l’art , La question qui fâche

Jacques Roux
Le mot « culture » est l’un des plus complexes de notre langue. Il est chargé de condenser et transmettre des concepts distincts mais imbriqués l’un dans l’autre. Si l’on pose le concept de « culture » au sens de civilisation, on comprend bien que la « culture » – au sens de maîtrise individuelle de savoirs, capacité à les intégrer dans une pensée et une pratique personnelles associant de façon non mécanique mais vécue, affective, les apports des arts – présuppose, sans s’y réduire, ce premier concept. « L’honnête homme », version XVIIème siècle de la formule « personne cultivée », ne l’est qu’au regard d’une civilisation prédéfinie. Je n’approfondirai pas cette thématique, laquelle donne lieu à des développements infinis, souvent éclairants (on y apprendrait par exemple beaucoup sur le goût et la valorisation actuels du tatouage, pratique issue d’autres « cultures/civilisations » et renvoyant il y a peu de temps encore, dans la nôtre, à des marginalités plus ou moins méprisées), mais parfois absconse (les bacheliers se souviennent peut-être de leur cours de philo sur la « nature naturante » et la « nature naturée », laquelle, la naturée », doit être conçue comme une interprétation « culturelle » à double niveau : l’approche « humaine » obligée et les lectures multiples des divers groupes humains). Nous éviterons donc ces détours, mais le livre qui inspirait la chronique du 29 mai, et inspire celle-ci, « La culture du pauvre » de Hoggart, repose bien sur la complexe signification du mot « culture ». Et si, dans ma première contribution j’ai surtout évoqué des situations et des attitudes relevant de la « civilisation » (le « pauvre » vu dans un contexte social spécifique, et sa culture observée sous l’angle comportemental), aujourd’hui je m’intéresserai surtout à des composantes renvoyant au monde des arts. Quel environnement artistique pour ce « pauvre » ? Lequel, il va de soi, vit dans un milieu lui aussi « culturellement » (offres artistiques) pauvre : pas de « Théâtre de l’Odéon », de « Centre Pompidou », ni de « Palais du Festival » dans son quartier. Il s’avère qu’à bien y réfléchir, tout du moins dans notre « culture » (notre civilisation), toute culture individuelle s’insère dans une hiérarchie artificielle où elle court le risque d’être jugée comme bien « pauvre ». Dans notre société la musique n’adoucit pas les mœurs ; l’art, c’est souvent une arme de guerre.
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