Le mas du Barret

Saint Joseph était un brave homme !

(Écho paroissial de Saint-Véran, février 1962) 

par Michel Jolland

Dans le précédent article consacré à un très beau vitrail de l’église de Saint-Vérand, Jacques Roux rappelait la place particulière, prise au fil des siècles, par le culte de saint Joseph dans la religion catholique et dans la piété populaire. Joseph est aujourd’hui le saint patron des pères de famille, des artisans, des travailleurs, des exilés, des agonisants… On ne compte plus les pays, les villes, les institutions, les lieux placés sous sa protection. Il a officiellement été déclaré saint Patron de l’Église universelle le 8 décembre 1870 par le pape Pie IX. Tout récemment, le 8 décembre 2020, le pape François publiait la lettre apostolique Patris corde (“Avec un cœur de père”), ouvrant par ce geste une année spécialement consacrée à saint Joseph, “cette figure extraordinaire, si proche de la condition humaine de chacun d’entre nous” est-il précisé. 

Le vitrail de l’église de Saint-Vérand a été installé en1962. On trouve trace de l’événement dans la revue catholique alors nommée l’Écho paroissial de Saint-Véran. Notons au passage deux particularités patentes de cet intitulé :  il ne rend pas justice au contenu effectif de la publication qui, en réalité, concerne toutes les paroisses du canton de Saint-Marcellin, il revendique par ailleurs une différence orthographique entre le nom de la paroisse (Saint-Véran) et celui de la commune (Saint-Vérand). Quoi qu’il en soit, dans le numéro d’avril-mai, le curé Joseph Jasserand lance une souscription pour remplacer le “vitrail de saint Joseph” et dans celui de juin-juillet il annonce que le jubilé de son ministère à Saint-Vérand sera fêté le 29 juillet sous la présidence de Monseigneur Fougerat, évêque du diocèse de Grenoble qui, à cette occasion, bénira le vitrail. Malheureusement, et en dépit du “Conservez chaque numéro” bien visible sur la couverture de l’Écho paroissial de Saint-Véran, nous n’avons, à ce jour, nulle part retrouvé celui d’août-septembre 1962 dans lequel, très vraisemblablement, figure le compte rendu des cérémonies du 29 juillet. Il ne faut jamais désespérer. Au moment où nous nous apprêtions à faire partager notre incertitude sur la mise en œuvre effective du programme annoncé, un témoin de premier rang nous a apporté de solides confirmations. Raymond (pour respecter son souci de discrétion, nous tairons son nom) a non seulement assisté à la bénédiction du vitrail et aux cérémonies religieuses mais, choisi pour porter témoignage des activités culturelles paroissiales organisées pour les jeunes, il a participé au repas officiel. Mieux que cela : en sa qualité de benjamin il a eu le redoutable honneur d’ouvrir les magnums de champagne avec, il en frémit encore, tous les risques inhérents à ce délicat exercice.

Écho paroissial de Saint-Vérand (avril-mai 1962)
Appel à souscription pour le vitrail de saint Joseph

En février 1962, sur la page “Saint-Antoine et Dionay”, le curé de Saint-Antoine fait paraître dans l’Écho paroissial de Saint-Véran un article au titre accrocheur : “Saint Joseph était un brave homme”. Dans les années 1960 comme aujourd’hui, “être un brave homme” est une expression qui, pour le dire familièrement, parle à tout le monde. Elle évoque la figure d’un homme bon, obligeant, serviable, bienveillant, gentil, un homme simple et franc sur qui l’on peut compter. On sait aussi que la malice populaire, notamment dans notre Dauphiné, se montre volontiers moqueuse sans pour autant aller jusqu’à la méchanceté. Il arrive ainsi qu’un “brave homme” désigne un homme qui, handicapé par sa gentillesse naturelle, se montre plus enclin à subir la volonté des autres qu’à imposer la sienne propre. Dans son article de 1962, le curé de Saint-Antoine donne sa définition personnelle : “De qui dit-on aujourd’hui « c’était un brave homme » ? De ceux qui n’ont rien fait d’extraordinaire mais qui ont réalisé cette merveille : être aimé et estimé de tous”. Bien entendu cette affirmation est à replacer dans son contexte. Conformément à la vocation du bulletin paroissial, il s’agit d’abord pour le curé de Saint-Antoine de désigner les conduites sociales qui, du point de vue de l’Église, sont bénéfiques pour ses paroissiens et pour la société tout entière. En l’occurrence il dénonce la tendance chez certains “à redire à tout propos – et surtout hors de propos – à la conduite des autres”. Un travers dont, précise-t-il, saint Joseph était certainement exempt mais qui, nous pouvons le supposer, était suffisamment répandu en 1962 pour être à nouveau dénoncé dans un article de l’Écho paroissial de Saint-Véran, paru en juin-juillet sous le titre « Moi, Je… Un Tel… » dans la rubrique “Saint-Bonnet-de-Chavagne et Saint-Étienne de Montagne”. 

De ce regard sur l’installation du vitrail saint Joseph à Saint-Vérand, et par extension sur saint-Joseph lui-même, nous retiendrons que la publication catholique connue sous le nom générique de “bulletin paroissial” peut s’avérer une précieuse source d’informations. C’est avant tout une publication religieuse : elle rappelle les dogmes, elle encourage les bonnes pratiques, elle donne à voir la vie de la paroisse, avec ses activités cérémonielles et pastorales, ses joies, ses peines, ses routines et ses événements exceptionnels. Par là-même, et sans pour autant que cela soit sa vocation première, elle sert la connaissance de l’histoire locale. Elle fournit des données, souvent introuvables ailleurs, sur l’histoire de la paroisse, de ses édifices et de son mobilier, de son organisation et de ses activités, de ses relations avec son environnement. Autant d’éléments qui permettent, par un travail d’analyse et d’interprétation, de repérer au fil des décennies les évolutions sociétales et sociales, au plan national comme au plan local. De quoi nourrir quelques contributions futures sur le Mas du Barret.