Le mas du Barret

La tombe de Willi Münzenberg à Montagne : Madame Ingrid Carberg, auteure suédoise réputée, nous écrit

Michel Jolland

Madame Ingrid  Carlberg, auteure et journaliste suédoise, membre de la prestigieuse Académie suédoise qui chaque année désigne le prix Nobel de littérature, nous fait l’honneur et l’amitié de réagir à l’un des articles du Mas. Elle publiera cet automne “Marionnettes”, un ouvrage en  langue suédoise qui, entre autres, analyse le fonctionnement et le rôle des réseaux de Münzenberg en Suède. Ses recherches l’ont tout naturellement amenée à s’intéresser à Münzenberg lui-même, à l’énigme de sa mort, à sa tombe au cimetière de Montagne, autant de sujets que nous avons souvent évoqués dans ces pages. A la lecture de nos articles, un élément a particulièrement retenu son attention.

En 1989, quelques  mois seulement avant la chute du mur de Berlin, un officiel du Parti socialiste unifié d’Allemagne (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands, SED), le puissant parti politique qui règne alors sur République démocaratique allemande (RDA), dépose une gerbe sur la tombe de Münzenberg à Montagne. Dans notre article du 2 octobre 2022, nous faisions part de notre étonnement devant ce geste car, les Actes du Colloque international qui s’est tenu à Berlin en 2015 le soulignent clairement, le SED n’était pas connu pour sa bienveillance vis-à-vis du rôle historique de Münzenberg (1).

Madame Ingrid Carlberg a immédiatement fait le rapprochement avec un fait qu’elle rapporte dans les dernières pages de son impressionnante biographie de Raoul Wallenberg, le diplomate suédois qui sauva de l’Holocauste des milliers de juifs hongrois et qui mourut à une date et dans des circonstances inconnues alors qu’il était prisonnier en URSS (2). Voici exactement ce qu’elle nous écrit : « En 1989, les demi-frères et sœurs de Wallenberg, Nina Lagergren et Guy von Dardel, ont été invités de manière inattendue à Moscou. Le KGB souhaitait en effet « résolver » cette vieille bagarre entre la Suède et l’Union soviétique. Sur place, les frères et sœurs stupéfaits ont reçu les effets personnels de leur frère. Ils auraient été trouvés par hasard dans un sac en plastique dans la cave d’archives peu de temps auparavant. Les soviétiques disait que cette initiative devait servir de preuve définitive que Raoul Wallenberg était mort de mort naturelle, mais Nina Lagergren et Guy von Dardel n’étaient pas aussi crédules. »

Notre correspondante pense que la date ne doit rien au hasard. En 1989, jugeant désormais inéluctable la chute du mur de Berlin, les autorités soviétiques s’empressent de clore, à leur manière, le dossier gênant de la mort de Raoul Wallenberg. Et elle avance l’hypothèse que le dépôt d’une gerbe sur la tombe de Münzenberg procède de la même manœuvre. Münzenberg exclu du roman national allemand au temps de la RDA ? Certainement pas puisque sa mémoire a été solennellement honorée par un officiel du SED en 1989 !

Notes

  • « Global Spaces for Radical Transnational Solidarity Contributions to the First International Willi Münzenberg Congress 2015 in Berlin, ed. by Bernhard H. Bayerlein, Kasper Braskén and Uwe Sonnenberg, International Willi Münzenberg Forum, Berlin 2018, p. 24.
  • Pages 584 et 585 de l’édition anglaise Paperback Macleose Press Quercus, Londres 2017 (voir photo). A noter que l’édition originale en suédois a été publiée par Norstedts à Stockholm en 2012.