Le mas du Barret

Raymond Joffre nous a quittés

par Michel Jolland

Alpiniste, homme de lettres et homme de cœur, Raymond Joffre nous a quittés. Originaire de l’Ardèche, il sera d’abord maître d’école, puis professeur avant de devenir directeur de la formation et du journal d’entreprise d’une banque régionale. Une carrière dominée par le goût de l’esprit associatif et le sens du partage : on le connaîtra initiateur de patin artistique pendant ses années d’enseignement, président du Groupement des animateurs et responsables de formation Dauphiné-Savoie, directeur d’une troupe de théâtre de quartier, président des diplômés de l’Institut d’administration des entreprises, intervenant à l’Université, dans des lycées, collèges et entreprises.

Toute aussi puissante que ses engagements professionnels et associatifs, il nourrissait une passion dévorante pour des sports de montagne. Cela le conduira à participer à des expéditions dans les massifs les plus prestigieux de la planète – l’Himalaya, les Annapurnas, le Khumbu – sans négliger la conquête exigeante des sommets alpins.

Écrivain, libraire et éditeur, par amour du livre régional dont il fut un fervent collectionneur, il transforma la Librairie des Alpes, à Grenoble, en cénacle et forum apprécié par les passionnés de régionalisme alpin. Il fut le créateur de plusieurs salons du livre dans les Alpes et le premier initiateur en 1989 du salon du livre alpin de Grenoble qui vient de connaître sa 29e édition.

Conférencier apprécié, ses thèmes familiers étaient la montagne et les Alpes autour desquels il brodait souvenirs, histoire, expression artistique, photographie. Toujours enthousiaste pour conduire des projets culturels, il a fondé et organisé de nombreux colloques et séminaires : la voie romaine de l’Oisans, les protestants du Haut-Dauphiné, les militaires dans la Résistance, construire en Oisans, Bayard en Queyras, le passage des Alpes par Hannibal, et bien  d’autres.

Il a également trouvé le temps d’écrire et d’éditer de la poésie et des ouvrages de référence sur le massif de Belledonne. Ses passions multiples, parfois hétéroclites, lui valurent une réputation d’homme de culture reconnue dans le milieu grenoblois et dans toute la région : l’Académie delphinale l’accueillera comme membre titulaire, puis comme président en 2014-2015. Il sera par ailleurs l’emblématique président de la Société des écrivains dauphinois et d’Ex Libris Dauphiné.

Raymond Joffre n’hésitait jamais à quitter les salons grenoblois pour partager ses connaissances avec des publics éloignés de la « Capitale des Alpes ». C’est ainsi qu’il vint à Saint-Marcellin en mars 2015 et à Saint-Vérand en décembre de la même année pour honorer, en tant que président de l’Académie delphinale, deux manifestations mettant à l’honneur un ancien membre de cette  compagnie : Paul Berret, homme de lettres, conteur, historien, qui vécut et fut inhumé à Saint-Vérand. Les deux manifestations étaient organisées par Saint-Vérand Hier et Aujourd’hui, association dont Raymond Joffre acceptait avec plaisir de devenir membre d’honneur en 2016.

Son caractère entier et sa volonté, héritages de son ascendance cévenole, ont permis à Raymond Joffre de construire une vie riche en élans, en découvertes, en engagements multiples. Une vie dont on avait l’impression, quand on avait le plaisir de le croiser, qu’il venait tout juste de la commencer. Chez lui le passé était source de richesses, mais ces richesses n’avaient de sens et de poids que réinvesties, remises en jeu : comme tous les hommes d’action, et comme tous les poètes, Raymond Joffre faisait de la mémoire un atout pour inventer l’avenir. Gageons que le souvenir qu’il laisse poussera, une fois passé le chagrin, le plus grand nombre à suivre son exemple. A sa façon : en toute simplicité.

Raymond Joffre à l’exposition Paul Berret. Saint-Marcellin, mars 2015.
Raymond Joffre, président de l’Académie delphinale, et Bernard Eyssard, maire, lors du dévoilement de la plaque d’hommage à Paul Berret. Saint-Vérand, décembre 2015.