Le mas du Barret

De quoi parlerons-nous dans ces pages ?

(par Jacques Roux)

De chez nous… et d’ailleurs.

« Chez nous » : Saint-Vérand, Isère.

Inventer

Il faut toujours dire d’où l’on vient, cela évite parfois d’avoir à dire où l’on va ! Bien qu’à vrai dire, il suffit pour cela d’avoir tâté un peu de généalogie, on comprenne vite qu’on n’en sait guère plus sur les origines que sur les destinations. Heureusement. Pour beaucoup ce serait l’obligation de renoncer à quelques rêves, ou de s’interroger sur ses fantasmes (d’appartenance, de « racines » !)… et pour tous ce serait se priver de cette possibilité que nous avons d’inventer. Certes nous n’inventons pas le passé comme on invente une histoire, mais plutôt comme un trésor disparu qu’on met au jour. On fait venir à la lumière des faits et des documents, et on leur donne du sens. C’est un peu ce qu’écrit Roland Barthes dans « Le discours de l’histoire ».

Dans le Mas du Barret, nous allons inventer quelques trésors, dont certains ne sont pas vraiment cachés, on les a sous les yeux, mais on les voit mal, on ne sait pas les regarder, les « envisager ».

Avec beaucoup de modestie, sans trop jouer les savants, mais sans tricher non plus avec la difficulté quand elle est présente, sans refuser non plus les incidences ou les références, elles ne sont pas là pour faire de l’effet mais pour encourager ceux qui le souhaitent à voir plus loin, ailleurs… Avec modestie donc, nous allons explorer ce petit « chez nous » qui, longtemps, se crut exclu de l’Histoire et, comme beaucoup de villages, se pensait perdu « au fin fond de… », sans la moindre particularité à offrir.

Au fin fond du Centre du Monde

Au Mas du Barret, peut-être parce que nous avons l’esprit mal placé, nous pensons que tous les lieux, même la Place de la Concorde, se trouvent « au fin fond de… ». Et au centre du Monde. En Ardèche, il y a des « Sources de la Loire » » un peu partout. Quand on cherche « la » source de la Cumane, qui traverse Saint-Vérand, c’est un peu pareil. Le mot source ne devrait jamais s’écrire au singulier. Dans les sources de la modernité, dans les sources de l’histoire de France, dans les sources de la littérature et de l’art, on trouvera, si l’on cherche un peu, quelque chose de tous ces coins perdus qui se pensaient « au fin fond de », tout autant (même si  « autrement ») que la Place de la Concorde ou le Plateau de Gergovie.

Victor Hugo, Donzelli, Dante, Léonard de Vinci et notre cortège de « Raymond »

Dans les pages du « Mas du Barret », on parlera donc de Victor Hugo, dont le nom est inséparable de celui de Paul Berret, qui s’attacha une partie de sa vie à analyser son œuvre. Paul Berret qui vécut, écrivit et mourut à Saint-Vérand, non loin du « Mas du Barret » qui donne son nom à ce site. Paul Berret qui écrivit « Les brûleurs de loups », blason du Dauphiné.

On parlera de Donzelli, pas nécessairement de Valérie Donzelli que tous les cinéphiles connaissent, mais de son grand-père Dante, et son arrière grand-père Duilio, parce que celui-ci nous a légué l’une de ses plus belles sculptures : Notre Dame des Champs.

Et de Quincivet, son château, son église disparue, son jardin d’ombres mouvantes. De Léonard de Vinci et Raphaël, oui, vous avez bien lu. Et de la bataille pour l’école laïque…

Et de héros hauts en couleurs…:

Il y aura Biscuit le chercheur d’eau qui ne buvait que du vin, le Père Français qui mieux que quiconque porta ce nom prestigieux : Français. Il y aura Raymond. Mais tant de Raymond ! L’homme qui crut à la beauté du patois, c’en est un. L’homme qui crut au passé de Saint-Vérand, c’en est un autre. Celui qui sema des chalets aux quatre coins de l’espace, et l’enfant aux yeux clairs qui s’envola avec sa moto sur la route de Murinais … Et tous ces autres prénoms, tissés sur la toile : Jo, Albert, Marie, notre Marie Tant-Pis, tous ces surnoms, ces sobriquets, le Lonlon, Totor, Chabert qui tissent la légende de ce petit coin pas si perdu que ça. Pas si anonyme.

Qui hébergea en son temps l’homme à la baguette magique, Jacques Aymar, dont les sourciers se sont faits un ancêtre fondateur et ceux qui n’y croient pas (à ces histoires de baguette) le plus emblématique des charlatans. Qui vit dans sa maison du Vernas Paul Berret (déjà cité, mais cet écrivain photographe est partout présent et plus que tout autre nécessaire) écrire quelques uns de ses plus beaux contes, fleurons de la langue, harmonieux mélange de mémoire et d’imaginaire.

Ce petit coin pas si perdu, pas si anonyme, qui abrite à l’ombre de sa blanche église cinq précieuses, si fidèles, si infidèles, copies de cinq chefs d’œuvre absolus de la peinture, qu’elles ont rapatriés chez lui et adaptés pour lui, comme s’il méritait, et lui seul, qu’on lui confie dans le creux de l’oreille, le creux du cœur, quelques secrets malicieux nourris de beauté et de culture.

On parlera donc de Saint-Vérand, parce que Saint-Vérand c’est ici, et partout, en ce monde qui est nôtre, monde chaque matin repris, recousu, refondé, monde des hommes. Partout où sont des hommes, l’Humanité tout entière respire, vit et se meut et se meurt…

Le Mas du Barret, à Saint-Vérand, entre colline et rivière, entre ciel et terre, c’est et ce sera pour nous le point de départ et le point d’arrivée, le lieu de tous les mystères et le creuset de tous les savoirs.

Jacques Roux 02 avril 2020