Le mas du Barret

Noël Caillat et ses photographies appartiennent désormais au Patrimoine de Saint-Vérand (Isère)

Pari réussi pour l’association « Saint-Vérand Hier et Aujourd’hui » qui, pour ces Journées du Patrimoine 2019, avait décidé d’innover. Le projet cette année était de mettre sur la table une richesse mémoriale aussi évidente que le Château de Quincivet ou les Copies du Chœur de l’église, mais jusqu’ici invisible. Invisible bien que connue et présente dans bien des foyers, mais sans la caution symbolique de l’Histoire, sans le remue ménage médiatico-affectif qui entoure habituellement  les souvenirs du passé, sans les discours des officiels ou des spécialistes. Cette richesse, de fait à portée de main, ce sont les photographies prises pendant des dizaines d’année par Noël Caillat. Noël Caillat, enfant du pays, premier – et historique – projectionniste du cinéma du Foyer Familial Falquevert, membre actif et apprécié du Club bouliste local, un homme qui ne rechignait jamais à photographier à la demande les communions, les mariages, les petites cérémonies familiales…

Rendre son dû à l’artiste Noël Caillat

A trop voir ce que nous côtoyons, nous ne l’apercevons plus et surtout nous ne sommes plus à même de juger avec pertinence de sa qualité. La proximité est un leurre : les dames qui sortent de chez le coiffeur savent bien que leur époux sera le dernier à s’apercevoir qu’elles ont « fait la couleur », coupé la frange ou rajouté ce petit mouvement de vague qui, paraît-il, est si flatteur. Tout Saint-Vérand, des années 50 aux années 80 pour le moins, a vu, sinon possédé et rangé dans quelque tiroir à la maison, des photographies de Noël Caillat. Mais, la réserve est significative : personne ne les a jamais regardées « en tant que photographies ». Le regard posé sur elles ne s’intéressait qu’à leur contenu : est-ce qu’on voyait bien la fifille, le fiston, la mémé ? Est-ce qu’on reconnaissait le garde-champêtre ? Ou la Gustine, et le père Jasserand ? On ne « voit » pas lorsqu’on se focalise sur un détail. Pas plus qu’on ne « voit » lorsqu’on a la chose sous les yeux depuis toujours : il a fallu les Impressionnistes pour qu’on découvre les charmes des paysages ruraux, la variété infinie, troublante, animée, subtilement colorée des éléments composant ce que désigne un mot à la fois suggestif et totalement réducteur : la campagne.

L’Association « Saint-Vérand Hier et Aujourd’hui » s’était donnée pour mission de rendre à Noël Caillat (qui fut, les dernières années de sa vie, un de ses membres), l’hommage qui était dû à ce photographe tout à la fois familier et méconnu.

Elle n’a pas à le regretter : le public a répondu présent. La grande salle d’exposition, aménagée par les membres de l’association, n’a pas désempli pendant les deux jours d’exposition. Au premier rang des visiteurs : monsieur Bernard, Eyssard, maire de Saint-Vérand et des personnalités qui ont souhaité rester dans la discrétion. On peut signaler cependant la présence de Jean-Michel Rousset, maire de Chevrières, qui accueillera bientôt dans sa commune l’exposition « Photographies de Paul Berret »… Un partenariat culturel qui ne demande qu’à grandir.

Le photographe… et le photographe local

Le parti-pris était de montrer le talent de Noël Caillat dans ce qu’il a de plus universel : son sens inné du cadrage, son inventivité technique (plongées, contre-plongées, décalages révélateurs…), sa capacité à se tenir à distance (avec pudeur) tout en manifestant son empathie, son génie de l’instantané qui lui permet de révéler des détails inattendus, perturbants, drôlissimes… et de ne pas décevoir tous ceux qui, de Saint-Vérand ou d’ailleurs, espéraient se retrouver, ou quelque proche ou ami, sur les clichés. De grands panneaux entouraient la salle, offrant un accès à ce qu’il faut appeler désormais « L’œuvre de Noël Caillat »  et sur des tables étaient disponibles des formats A4 avec transparents permettant éventuellement de donner un nom aux figures reconnaissables, voire d’ajouter des dates, ou de localiser précisément l’événement. Une double approche permettant d’apprécier la beauté des compositions de Noël Caillat (elle fut soulignée par nombre de visiteurs et il faut reconnaître que les supports choisis par François Micheland ainsi que les commentaires ciselés par Jacques Roux leur rendaient pleinement  justice) et de satisfaire une légitime envie de se plonger dans un passé déjà lointain, bien qu’encore accessible. De ce dispositif simple et ouvert et du double souci dont il témoigne : ne pas tricher avec l’exigence intellectuelle, ne jamais négliger la dimension affective, Michel Jolland président de l’association organisatrice glissa quelques mots lors de son intervention, avant de partager avec les présents le traditionnel « pot de l’amitié ».

Les Journées 2019 resteront donc comme celles qui marquèrent officiellement l’entrée du photographe Noël Caillat et de ses œuvres dans le champ patrimonial de Saint-Vérand.

Mais aussi, et peut-être surtout, celles de la mise en évidence du talent singulier d’un artiste jusqu’ici méconnu.