Le mot de son initiateur : Jean-François Lacour
Au commencement était l’adverbe… Et à la fin aussi !
« Bonsoir, il est 19 heures… Vous êtes bien à l’écoute de Fréquence 7, la radio du Bas-Vivarais »
C’est de cette façon que je prenais la parole pour présenter un journal d’informations locales les lundis et vendredis soir, sur 92, 20 Mhz.
Cette entame contenait les réponses aux incontournables questions modélisées par la presse : « qui, quoi, quand, et où ? » en chapeau.
Tous les mots ont leur place mais nous noterons toutefois la présence de ce « bien », un adverbe rassurant, mais pourquoi et pour qui ?
Franchement, je ne le sais pas. S’agissait-il de dire aux très nombreux auditeurs, que notre radio n’avait pas implosé à cause de tensions internes ou alors, avait elle été à nouveau pillée, et pourquoi pas interdite ?
Ou peut-être, et tout à la fois, voulais-je, avec ce « bien », exprimer le miracle d’un média n‘appartenant ni aux puissances d’argent, ni aux faiseurs de bonnes pensées et de politique, pour souligner que « Nous », celles et ceux de Fréquence 7, étions bien là, sur le pont, derrière les micros et la table de mixage, pour servir une communauté de lieu (le sud Ardèche), grâce à un partage radiophonique, un partage que dix ans auparavant, personne n’aurait osé rêver…
Allons au fond des choses, c’était quoi cette radio ?
Comment est elle née, comment a-elle grandi, qui la faisait vivre et comment vivait elle ?
Jacques Roux, que je félicite pour les trois premiers volets de «son histoire » et que je remercie pour la place qu’il me cède dans cette affaire du masdubarret, ce grand Jacques que j’ai rencontré il y a plus de 40 ans, je veux le réprimander pour les éloges à mon égard, le contredire, et puis, tant qu’à faire, vous annoncer que je conclurai cet article en lui rendant la monnaie de la pièce.
Les membres fondateurs font école
Au début étaient quatre copains ayant pour commun dénominateur de travailler pour l’Éducation Nationale ou le Lycée Olivier de Serre.
Ils s’appellent : Gilles Ruel, René Moulin, Jean Sirvan et Jean-François Lacour.
Les élections ayant été remportées par l’Union de la Gauche, le président Mitterrand annonça son désir de mettre fin au monopole d’État sur les ondes radio. Ce fut une réalité à partir de Novembre 81.
La bande des quatre, a rapidement été renforcée par six autres membres. Nous connaissions Yves Paganelli (enseignant et auteur-compositeur-interprète), Michel Perge (hôtelier à Vals-les-Bains), Jean Gibaud (éditeur), Régis Duchamp qui animait le club photo au Centre Seibel,
et Jacques Roux, par l’intermédiaire de Gilles et René, Maîtres d’Internat au lycée agricole. Nous étions neuf. Charles Volle, instituteur à Beausoleil, compléta le groupe. Chacun apportait ses compétences mais aussi 500 Francs pour acheter un émetteur et une antenne.
L’émetteur nous fut vendu, en catimini et au coin d’une rue, par les membres de la Fédération Anarchiste de Toulon -J’avais eu le contact par un ami membre de la F.A Ardèche.
L’antenne fût acquise au Puy-en-Velay dans une station qui émettait déjà en Décembre 81.
Les premiers essais, complètement pirates, eurent lieu depuis l’hôtel de Michel au mois de Février 82, sur la Fréquence de 103 Mhz.
Nous avons rapidement réglé les détails administratifs en créant l’association « De source sûre », et nommé un premier Bureau (Jean Sirvan président, Jacques Roux secrétaire et ma pomme à la trésorerie).
Dans le même temps, l’équipe s’étoffait avec l’arrivée en force de l’Institut des Etudes Occitanes (Jean Volle, Gérard Leynaud, O. Tintinger), mais aussi, pardon pour celles et ceux que j’oublie, Christophe Lurie, Jacques Moncomble,
Dominique Dumond, Marie-Claire Duchamp, Claude Galès, Françoise Comandini, Lucien Teston, Bernard Huaut, André Pazdzersky, Boris et Babeth Boussières….
Trois mois plus tard, nous étions une cinquantaine d’adhérents à l’Association « De source sûre », adhérents mais aussi animateurs, et /ou, techniciens.
Fréquence 7 s’imposa d’entrée. Je pense même que ce fut un démarrage en trombe sans argent, sans moyens, sinon nos propres magnétophones, nos disques, et une volonté farouche. Fréquence 7 faisait événement par sa seule existence et beaucoup achetèrent des postes de radios susceptibles de capter la modulation de fréquence.
Bref, nous prenions possession de notre territoire, des contreforts de la haute Cévennes à l’Escrinet, de Mézilhac à Vallon-Pont-d’Arc.
Aujourd’hui, rendons hommage aux initiateurs, aux fervents animateurs des matinales, ou des nocturnes, mais rendons grâce à l’équipe de Bernard Hugo qui accéda à notre demande d’un local appartenant à la Municipalité. Je pense que les ambassades de Régis Duchamp, Jean-Marc Chitry (qui accueillit un temps notre antenne avant Saint-Etienne-de-Fontebellon au premier étage du Centre Seibel) mais aussi Aimé Perbost, adjoint à Bernard Hugo, Aimé le sourcier, surnommé « le maire des Oliviers »…
Aimé Perbost et Mme
Bref, je veux saluer ceux qui ne furent pas étrangers à cette aubaine.
André Griffon ne fut pas tenu à l’écart. Il participa à des réunions préalables mais il se prit la tête avec le président Sirvan et claqua la porte – ce qui ne l’empêcha pas, de solliciter son ami André Fargier : le président de la C.C.I nous équipa de manière professionnelle. Et deux ans plus tard, le même André Griffon fit l’éloge de notre radio dans les colonnes du journal « Le Monde » dont il était correspondant pour le Département de l’Ardèche.
Des vertes et des pas mûres
C’était une Révolution et faut-il préciser que ce type d’événements ne va pas sans crises, sans « meurtres », sans trahison. Chacun est ramené à sa grandeur ou sa petitesse. Survivre, je veux dire ne pas claquer la porte, releva parfois du défi….
D’abord il y eut une guerre fratricide au sein du groupe des dix fondateurs. Une assemblée générale régla le problème et trois d’entre eux s’en allèrent. Puis ce fut une bataille au sein de l’assemblée des membres de la radio. Là encore, quelques animateurs et techniciens ont tiré leur révérence. Un troisième temps fort : une prise de contrôle du CA, par une partie de la Droite locale. Non pas celle de Bernard Hugo dont je tiens encore une fois à saluer la probité. Non, il s’agissait de quelques libéraux qui prirent leur carte d’adhésion le jour d’une assemblée générale annuelle. Cartes délivrées sans aucune jugeote par la secrétaire de la dite assemblée. Et c’est ainsi que les vrais artisans de notre station de radio se sentirent dépossédés. Il y eut bien quelques factieux animateurs pour se rallier au nouveaux « patrons », mais la grande majorité des actifs était en résistance. La crise dura deux ou trois semaines. Deux ou trois semaines seulement, car il y avait eu une faille dans la prise de contrôle. Une méchante faille. Et c’est ainsi que les nouveaux élus, face à des pressions souterraines, rendirent leur tablier lors de la seconde réunion du Conseil d’administration, et que Fréquence 7 redevint ce qu’elle avait été et devait rester : une radio libre de toute influence politicienne.
Pendant heureux à ces prises de gueule et ces nuits blanches, de nombreuses arrivées (voir la grille de quelques émissions ci-joint), des rencontres extraordinaires, des moments inoubliables, les grandes rigolades, les fêtes au théâtre de Vals, la soirée disco qui fit le plein dans la salle de l’A.P.T.T, et aussi des liaisons qui se firent sans crier gare, le rallye surprise qui se termina chez Jean-Paul Barras restaurateur, ou encore une autre joyeuse soirée dansante dans la salle du collège de Montpezat-sous Bauzon…
Bref, le quotidien d’une radieuse radio.
Article DL Fête de la chanson à Vals
Maître Jacques et ses frères
Je pourrais écrire, Maître Barras, Maître Régis, Maître Charles ou Jean… Ceux-là, plus âgés, plus avertis, et plus aguerris, nous ont maintenus dans la bonne ligne et nous ont formés à l’information, la technique ou quelque autre qualité radiophonique.
Ils nous ont, et ce n’est pas rien, dans ce qui était un univers de travail, ils nous ont permis de vivre et partager la toute simple, mais tellement difficile Démocratie. Et la Fraternité !
Quand je dis « Nous », je parle des jeunots de la vingtaine d’années qui composèrent l’essentiel des effectifs pendant les quatre ou cinq premières années de la station.
Pour ma part, ces « vieux », m’ont maintenu et aguerri sur la voie de la presse que j‘avais précocement empruntée dans le Journal du lycée M. Gimond, un journal d’une vingtaine de feuillets polycopiés, qui fût «non autorisé » au bout du deuxième numéro…
Jacques bienveillant, omniprésent, doué d’une grande aptitude à vous faire valoir sans orgueil, sans vanité bien au contraire, et son franc parler aussi, celui qui vous renvoie parfois rudement dans les cordes, a été bon prof !
Et non seulement, il faisait bien et bon dans ses interviews ou ses infos radiophoniques, mais, ce Diable d’homme écrivait et continue d’ écrire d’une façon qui ne peut que susciter l’admiration et vous donner un arrière goût de frustration apte à vous filer la fringale, celle de l’égaler, de faire autant et, je rêve, de faire mieux !
J’aurais deux ou trois choses à dire à propos de ce qu’il a écrit mais suis-je dans la raison ?
Il faut savoir en douter, apprendre à s’abstenir de tout contester, lâcher ce fameux «oui mais » qui s’origine la plupart du temps, dans les difficultés que l’Enfant que nous étions a connu pour se construire dans le MOI.
Je me contenterai donc de le rassurer à propos de Charles Volle. Dans l’article qu’il évoque je pense que Charles a voulu et pensé bien faire. Peut-être a-t-il été trop vague et maladroit dans ce texte édité par la F.O.L.

Charles Volle en réunion
Quant à Jacques Roux, un ancien des Universités Grenobloises, fils de Thalès, Socrate, et peut-être alerté par Madame Hannah Arendt ou ses émules, ce Jacques étudiant a dû baisser les bras en analysant les méthodes de l’U.N.E.F, en assistant au spectacle et aux revirements des jeunes soldats maoistes, sans oublier les « contradictions permanentes » de ces trotkystes admirateurs d’un prof qui arrivait en cours à bord d’une flamboyante voiture de sport… De quoi vous fabriquer un centriste à moustaches ! Par ce fait, au cœur des années gauchisantes, il pouvait être décalé.
Empreint d’un sérieux savoir en philosophie mais aussi en sociologie, je me demande s’il ne souffre pas, comme beaucoup d’entre nous d’un syndrome qui n’était pas forcément de mise à l’époque, au dix-neuvième siècle, quand le « Père » fondateur de la sociologie, Marcel Mauss, établissait les principes du don et du contre-don (celui qui reçoit se sent naturellement dans le besoin de rendre)
Nous avons beaucoup donné à Fréquence 7
Qu’avons nous reçu en retour ?
Le simple plaisir d’y avoir été et d’avoir non seulement fait, mais bien fait ! En Justice et Vérité.
Et pour rester dans l’adverbe,..
Jacques cite volontiers Leibniz et ses monades qui je pense ne font que reprendre un concept fondamental de l’esthétique des penseurs grecs, « le Tout et les parties ».
Pour évoquer notre radio du Bas-Vivarais, je prendrai pour modèle le fameux « Cogito Ergo sum » de Descartes qui – grâce à son adverbe – a ouvert les portes aux subjectivités dont Fréquence 7 faisait vivre toutes les nuances du Païs.
Jean-François Lacour
Quelques émissions et intervenants
Je ne pourrai parler que des quatre premières années, certainement les plus glorieuses !
Les membres de l’équipe infos s’appelaient :
Jacques Roux, Régis Duchamp, Charles Volle, Christophe Lurie, Françoise Comandini, Claude Galès, Jacques Moncomble, Pierre Chante, Charles Volle, Lucien Teston, Maria Nazzareni et moi.
Du côté des sports, c’est Gilbert Roche, avec parfois Jean-Roger Durand, qui mit au point une formule bon enfant. C’était le dimanche soir. Je l’ assistais pour prendre des résultats au téléphone alors que Ramon Miranda était en régie.
En 1984, Arnaud Prioux arriva. Son père avait été journaliste dans le journal l’Equipe. Ce gars avait un talent fou et nous embarqua dans des « directs » en football et basket ball, de grands moments qui sont restés en mémoire avec notamment ce fameux 16 ème de finales de la coupe de France ou les Valsois perdirent de peu face à Grenoble.
Des émissions musicales prirent rang avec différentes formules…
Boris et Babeth mais aussi Josy et Daniel Aubert pour les sixties.
Marie-Claire Duchamp, Dominique Dumond et Jacques Roux, animaient « Guitaristes de notre temps ».
Bernard Huaut envoyait des opéras le mercredi soir.
Les musiques plus récentes étaient distribuées par Jean-Marc Moutet, Thierry Grédard, Françoise et Vincent Bauzély épaulés par Bébert et Philippe Souchon.
Nathalie Dehausse et Stéphane Moulin étaient derrière les micros le dimanche.
Frédéric Mathieu de la B.C.P faisait une émission centrée sur le Jazz et passait avec son bus départemental pour nous approvisionner.
Les mercredis après-midi étaient axées sur les dédicaces avec Philippe Malfois, Jean Michel Giacometti et Xavier Tournier. Mais encore Lionel dont j’ai oublié le nom et Clément dont j’ai perdu le prénom….
Jean-Pierre Nicoloni offrait volontiers du rock des seventies avec ses disques « collectors ».
Musique toujours avec les bénéficiares des premiers emplois aidés : ils ou elles s’appelaient Karine, Marièle, Zhora, Bélou ou Mathieu.
Les passionnés de sport automobiles avaient leur émission du vendredi soir grâce à Babeth Ferry, Frédéric Lombard et Philippe Plateau.
Les membres de l’Institut des Etudes Occitanes patoisaient (Odile Tintinger, Jean Volle, Gérard Leinaud, Bernard Salques), le jeudi me semble-t-il.
André Pazdersky causait peinture le mardi.
Jean-Paul Barras tenait le créneau du dimanche matin avec ses merveilleuses recettes. Lui succédaient dans la grille, Ramon Miranda et moi, avec « Tais-toi et mange ! »
Nous rejoignirent deux couples de retraités, mesdames et messieurs Dubois et Chirouze avec « De source ancienne »… Et puis l’équipe du Père Gras pour forger ceux qui devait créer l’antenne albenassienne de R.C.F.
Il y avait également, le samedi après-midi, un jeune gars d’origine allemande appartenant à la communauté anarchiste de Longo Maï.
Case départ. Plus éclectique, tu ne peux pas.



